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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

pieds et quelques pouces seulement ; ces personnes plongées dans une obscurité continuelle et ne recevant d’air que par deux écoutilles munies de manches de toile comme ventilateurs ; soumises à un régime alimentaire détestable de tout point, n’ayant qu’une pinte d’eau par jour pour étancher une soif insatiable, livrées à des myriades d’insectes nuisibles autant que dégoûtants : et tout cela sous le soleil des tropiques et sur le chemin de l’exil, au milieu des forçats !

Nous avions de notre côté une dizaine de malades, auxquels on n’accordait aucun adoucissement, et sur le sort desquels nous entretenions de grandes craintes. Nous les soignions de notre mieux ; mais ces soins n’étaient que de l’affection ; car nous n’avions aucun moyen matériel de les soulager. Du côté des prisonniers du Haut-Canada, il y avait encore plus de malades : avant d’atteindre les tropiques même, le 22 octobre, l’un d’eux, le nommé Priest, succomba à ses souffrances et fut enseveli dans les flots.

Ces prisonniers, que nous appelions les prisonniers du Haut-Canada, étaient presque tous des Américains ; à peine y avait-il parmi eux une dizaine d’habitants du Haut-Canada. Ces hommes, qu’on distinguait en 1837 et 1838 sous le nom de sympathiseurs, me parurent, autant que j’ai pu les connaître par les relations que nous eûmes, surtout avec ceux qui faisaient partie de notre division, des gens fort respectables. L’état d’émaciation et de dénuement de