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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

la moindre occasion de nous justifier. Nous ne pouvions deviner la cause de ces recherches et de ces rigueurs. Il était facile de voir que nous avions été la victime de quelque calomnie ; mais nous ne pouvions imaginer d’abord sur quoi on avait pu fonder le soupçon d’un damned plot (complot infernal), dont nous parlait, sans explication aucune, mais avec un crescendo d’injures, l’officier Nibblett. Ce ne fut que quelques jours après que nous apprîmes le tout de la bienveillance d’un pauvre factionnaire, ému de pitié à la vue de l’inquiétude dans laquelle nous jetait tout ce manège. Pour ne pas compromettre ce brave homme, nous ne dîmes mot aux autorités de la révélation qu’il nous avait faite, laquelle, du reste, ne faisait de mal à personne ; car l’idée d’une révolte de notre part était d’une absurdité telle qu’elle ne pouvait manquer d’apparaître à tout le monde, après réflexion.

De ce moment, au lieu de nous faire monter ensemble tous les jours sur le pont, ceux de tribord pendant deux heures le matin, et ceux de bâbord pendant deux heures l’après-midi, on ne nous fit plus monter que par escouades de douze, et pour une heure seulement ; et alors nous étions obligés de nous tenir en silence dans un coin, sous la surveillance d’une garde armée.

Bientôt vint s’ajouter à toutes nos souffrances une misère qui prit rapidement des proportions atroces ; je veux parler de la vermine, qui, se trouvant en germe dans les effets de literie