Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/50

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IX.


Qui sont, qui sont ceux-là, dont le cœur idolatre,
Se jette aux pieds du Monde, & flatte ses honneurs,
Et qui sont ces valets, & qui sont ces Seigneurs,
Et ces ames d’Ebene, et ces faces d’Albastre ?

Ces masques desguisez, dont la troupe folastre
S’amuse à caresser je ne sçay quels donneurs
De fumees de Court, & ces entrepreneurs
De vaincre encor le Ciel qu’ils ne peuvent combatre ?

Qui sont ces louvoyeurs qui s’esloignent du Port ?
Hommagers à la vie, & felons à la Mort,
Dont l’estoille est leur Bien, le Vent leur fantasie ?

Je vogue en mesme mer, et craindrois de perir
Si ce n’est que je sçay que ceste mesme vie
N’est rien que le fanal qui me guide au mourir.


X.


Mais si mon foible corps qui comme l’eau s’escoule,
Et s’affermit encor plus longtemps qu’un plus fort,
S’avance à tous moments vers le sueil de la mort,
Et que mal dessus mal dans le tombeau me roule,

Pourquoy tiendray-je roide à ce vent qui saboule
Le Sablon de mes jours d’un invincible effort ?
Faut-il pas resveiller cette Ame qui s’endort,
De peur qu’avec le corps la Tempeste la foule ?

Laisse dormir ce corps, mon Ame, & quand à toy
Veille, veille, & te tiens alerte à tout effroy,
Garde que ce Larron ne te trouve endormie :

Le poinct de sa venüe est pour nous incertain,
Mais, mon Ame, il suffist que cest autheur de vie
Nous cache bien son temps, mais non pas son dessein.