Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III.


Ha ! que j’en voy bien peu songer à ceste mort,
Et si chacun la cherche aux dangers de la guerre,
Tantost dessus la mer, tantost dessus la terre,
Mais las ! dans son oubli tout le monde s’endort.

De la Mer, on s’attend à ressurgir au Port,
Sur la Terre, aux effrois dont l’ennemy s’atterre :
Bref, chacun pense à vivre, & ce vaisseau de verre
S’estime estre un rocher bien solide, & bien fort.

Je voy ces vermisseaux bastir dedans leurs plaines
Les monts de leurs desseins, dont les cimes humaines
Semblent presque esgaler leurs cœurs ambitieux.

Geants, où poussez-vous ces beaux amas de poudre ?
Vous les ammoncelez, vous les verrez dissoudre :
Ils montent de la Terre ? Ils tomberont des Cieux.

IIII.


Pour qui tant de travaux ? pour vous ? de qui l’aleine
Pantelle en la poictrine et traine sa langueur ?
Vos desseins sont bien loin du bout de leur vigueur
Et vous estes bien pres du bout de vostre peine.

Je vous accorde encore une emprise certaine,
Qui de soy court du Temps l’incertaine rigueur,
Si perdrez-vous en fin ce fruit, & ce labeur,
Le Mont est foudroyé plus souvent que la plaine.


Ces Sceptres enviez, ces Tresors debattus,
Champ superbe du camp de vos fieres vertus,
Sont de l’avare mort, le debat, & l’envie.

Mais pourquoi ce souci ? mais pourquoi cest effort ?
Sçavez-vous bien que c’est le train de ceste vie ?
La fuite de la Vie, & la course à la Mort.