Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/44

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Helas ! que cherches-tu dans ces relans abismes
Que tu noircis sans fin des horreurs de tes crimes ?
He ! que tastonnes-tu dans ceste obscurité
Où ta clarté, du vent de Dieu mesme allumee,
Ne pousse que les flots d’une espaisse fumee,
Et contraint à la mort son immortalité ?

Quelle plaine en l’Enfer des ces pointus encombres ?
Quel beau jour en la nuict de ces affreuses ombres ?
Quel doux largue au destroit de tant de vents battu ?
Repren cœur, mon Esprit, repren nouvelle force,
Toy, mouëlle de mon festu perce à travers l’escorce,
Et, vivant, fait mourir l’escorce, et le festu.

Appren même du temps, que tu cerches d’estendre,
Qui coule, qui se perd, & ne te peut attendre,
Tout se haste, & se perd, & coule avec ce Temps :
Ou trouveras-tu donc quelque longue duree ?
Ailleurs mais tu ne peux sans la fin mesuree,
De ton mal, commencer le Bien que tu pretens.

Ton Mal, c’est ta prison, & ta prison encore,
Ce corps dont le souci jour & nuict te devore :
Il faut rompre, il faut rompre en fin ceste prison.
Tu seras lors au calme, au beau jour, à la plaine
Au lieu de tant de vents, tant de nuict, tant de geine,
Qui battent, qui noircist, qui presse ta raison.

O la plaisante Mort qui nous pousse à la vie,
Vie qui ne craint plus d’estre encore ravie !
O le vivre cruel qui craint encor la mort !
Ce vivre est une Mer où le bruyant orage
Nous menace à tous coups d’un assuré naufrage :
Faisons, faisons naufrage, & jettons nous au Port.