Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


J'ai cent peintres dans ce cerveau,
Tous songes de vos frenaisies,
Qui grotesquent mes fantasies
De feu, de terre, d'air & d'eau.

C'est un chaos que ma pensee
Qui m'eslance ores sur les monts,
Ore m'abisme dans un fond,
Me poussant comme elle est poussee.

Ma voix qui n'a plus qu'un filet
A peine, à peine encore tire
Quelque souspir qu'elle souspire
De l'enfer des maux où elle est.

Las ! mon angoisse est bien extresme,
Je trouve tout a dire en moy,
Je suis bien souvent en esmoy,
Si c'est moy-mesme que moy-mesme.

A ce mal dont je suis frappé
Je comparois jadis ces rages,
Dont amour frappe nos courages,
Mais, amour, je suis bien trompé.

Il faut librement que je die :
Au prix d'un mal si furieux,
J'aimerois cent mille fois mieux
Faire l'amour toute ma vie.


Fin des Amours du sieur
de Sponde.