Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/36

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Mais Nimphe c'est des yeux seulement & des ames
Quiconque soit celuy pour lequel tu t'enflames
Il faut qu'il soit quelqu'un d'entre les plus grands Dieux
Les hommes n'ont point part au regard de tes yeux,
Ce sont glaçons pour nous, et pour luy seul des flammes

Luy & nous te voyons, mais non pas tout de mesme,
Luy ravy de l'ardeur de son amour extresme
Te voit pour te cherir ou pour te desirer,
Et nous ne te voyons que pour mieux admirer
Les divines beautez qui l'aiment & qu'il aime.

Le Soleil n'a qu'un monde où sa clarté rayonne,
Tu n'esclaires qu'un Dieu qui tout à toy se donne
Un Dieu seul, tout le reste est gisant dans la nuict,
Ou bien c'est un esclair quand la beauté nous luit
Qui sent soudain la nuict, & soudain l'abandonne.

Que vous estes heureus, Nimphe & Dieu tous ensemble
Puis qu'en vous tout l'amour des amours se rassemble
Nompareille beauté, nompareille grandeur
On ne voit rien ici qui semble vostre ardeur,
Aussi ne voit-on rien au monde qui vous semble.


STANCES.


Ma belle languissoit dans sa funeste couche
Où la mort ces beaux yeux de leurs traits desarmoit,
Et le feu dans sa moüelle allumé consommoit
Les lys dessus son front, les roses sur sa bouche.

L'air paraissoit autour tout noir, des nuits funebres
Qui des jours de la vie esteignent le flambeau :
Elle perdoit déjà son corps dans le tombeau,
Et sauvoit dans le Ciel son ame des tenebres,