Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/35

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Mais un tombeau tousjours esclairé d'un flambeau,
Le tombeau mon esprit, le flambeau ma memoire.

Ah, que c'est peu de l'homme ! & que ceste lmumiere
Qui nous fait vivre peu de peu de vent s'estaint,
Nous avons beau courir, mais la mort nous attaint
Et souvent les premiers la trouvent la premiere.

Heureux qui ne tient point sa vie à l'adventure,
Mais quand la mort s'approche il a tant de bon heur
Qu'il l'attend pour le moins sur le pas de l'honneur
Et pour elle jamais ne change de posture.


STANCES


Ainsi fait le Soleil, quand il monte de l'onde
Il esparpille en l'air sa chevelure blonde
Tout beau, tout rayonneux, tout brillant de clarté,
Esteint les petits feux, espard l'obscurité
Et se donne luy mesme en son triomphe au monde.

Nimphe serois-tu point ceste mesme lumiere,
Qui laisses dans le Ciel ta course coustumiere
A quelque Phaëton qui t'ait importuné ?
Ou bien, le monde est-il de deux torches orné
Du Soleil la seconde, & de toy la premiere ?

Ah, que de beaux flambeaux ta face nous allume,
Qui nous donne le jour plus fort que de coustume
Au sortir esclatant de ses sombres rideaux,
Sombres quand ils n'ont plus ces mesmes beaux flambeaux
Car à ces beaux flambeaux leur noirceur se consume.

A voir tant de splendeur qui de tes yeux flamboye,
A voir tout ce bel or qui sur ton dos ondoye,
Tout tremblotant d'Amour, transformez en Zephirs,
Et ce sein, qui s'estraint & s'estend de souspirs,
Que nos yeux ont de bien, & nos ames de joye !