Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/28

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Que si des Basilics l’œil malin vous offence
Marchant parmi ces fleurs, j'en prendray la deffense,
Et du miroir luisant de mon authorité
J'esteindray tout soudain ceste malignité :
Lors qu'on vous poursuivra je seray vostre Asile
Et quand les vents battroyent votre nef si fragile
Vous ne sçauriez vous perdre au Phare de mon feu.

Quant à ces yeux à qui vous avez desja pleu
Ils vous don'ront tousjours leur veuë toute entiere
Si ce n'est pour la forme, au moins pour la matiere.
Que si vostre langueur ne se peut secourir,
Si vous avez du tout resolu de mourir,
Mourez, mourez au moins d'une mort qui soit digne
De vostre belle vie, & faites que le Cygne
Qui charme de ses chants les bords Meandriens
Sur le bord de sa mort, se charme par les miens
Ce dernier feu laissant votre mourante bouche,
Soit semblable au Soleil qui luit quand il se couche
Beaucoup plus doucement que quand au fort du jour
Les brandons qu'il vomit grillent notre sejour.
Mourez, mes vers, mourez, puisque c'est vostre envie,
Ce qui vous sert de mort, me servira de vie.

L'orage de mes maux, qui me va repoussant
Du bien tant desiré dont je me trouve absent,
Tant s'en faut que son coup m'esbranle ou me renverse,
Que je le romps luy-mesme, & d'une humeur diverse
A ces esprits qui vont d'onde en onde sautant,
Je pren plus de racine, & mon cœur si constant
Change en un naturel si bien ceste coustume,
Que tous ces monts de flots il les couvre d'escume,
Et sentiront tousjours s'ils veulent m'approcher,
Qu'ils sont mols comme une eau, moy dur comme un rocher.
Mourez, mes vers, mourez, puisque c'est vostre envie