Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/24

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Pour me sauver de ces vacarmes
Vous me laissez à l’abandon
L’ame aux douleurs
Les yeux aux larmes

Je le sçay, vous craignez de voir
Ceste orpheline desolee
D’une nuict de chagrins voilee
Heurter au roc du desespoir,
A faute d’estre controlee.

Quand vous serez doncques absent
L’as d’où voulez vous que je tire
Moyen d’affoiblir mon martire ?
Qui se va sur moy renfonçant
Alors que vostre œil se retire.

J’ay beau de vous me souvenir,
Il faut que je le confesse,
La foule des maux m’oppresse
Ne se peut guere soustenir
Par une idee de liese.

Je n’ay point l’esprit contrefait,
Et n’est possible que j’assemble
Ces deux contraires tout ensemble,
Que je sois pour vous tout à fait,
Et que pour l’autre je le semble.

Mais puis que fuyant vostre arrest
Il faut prouver que je vous aime,
Je voudrois en ce mal extreme,
Qu’au moins quand mon mal sera prest
Mon remede fust prest de mesme.

J’endurerois mille fois mieux
Tout ce mal qu’il faut que j’endure
Mais je suis mise à l’adventure,
Et le beau secours de vos yeux
S’enfuit du mal qui me demeure.