Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/22

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Je trouve mesme noirs les cieux,
Les jours luisans sont des nuicts sombres,
Les nuicts des Enfers à mes yeux,
Les Enfers mesmes si funebres
Sont beaux au pris de mes tenebres.

Ce monde plain d'inquietudes
Qui flotte tout autour de moy,
Ce ne sont que solitudes
Toutes plaines de mon esmoy,
Mais vuides de la douce vie
Que son absence m'a ravie

Je fons comme fondroit la cire
Aupres d'un brasier enflammé,
Et plus de vous je me retire
Je sens plus mon feu ranimé,
Mais ce feu tant plus il s'augmente
Helas ! tant plus il me tourmente,

Je meurs il est certain, ma belle.
Et ce peu d'ame que je tiens
Ce n'est que ceste humeur fidelle
De laquelle je l'entretiens :
Le reste d'elle qui s'envole
Ne me laisse que ma parole.

La parole helas! pour me plaindre
Que mes maux sont bien commencez,
Mais je dois bien encore craindre,
Qu'ils ne soyent pas si tost passez,
Et que mes fresles destinees
N'ont point leurs bornes terminees.

Mon Dieu ! que ceste heure incertaine
A pour moy de malheurs certains,
Et que ma belle si lointaine
M'en garde les secours lointains !
Peut on jamais sentir ny dire