Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/21

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Les Nimphes d'alentour, comme elles l'apperceurent,
Se cacheront de honte aux ombrages des bois :
Mais elle, qui ne veit rien digne de ses loix,
S'en vint & leur osta la honte quelles eurent.

Cependant les beautez luy croissoyent davantage,
Et tous les poincts du jour forçoyent leurs actions
Pour achever le poinct de ses perfections,
Mais elle croissoit plus encore de courage.

Ainsi d'un haut dessein vivement animee,
Prend la fleche, qu'Amour luy mesme avoit preveu,
Tire à force, fend l'air & va dedans le feu
Où sa fleche luy fust tout d'un coup allumee,

A ce rencontre heureux la belle se sent prise,
Accolle sa beauté contre ceste grandeur,
Et trouvant sa ardeur pareille à sa grandeur,
Se baigne au beau succez d'une belle entreprise.

Amans, ces doubles feux que vous meslez ensemble
Ne sont que le pourtrait de ces deux feux jumeaux
Qui calment les courroux des bouillonnantes eaux,
Et rasseurent la nef des vents dont elle tremble.

Puissiez vous, tout ainsi que ces germaines flammes,
Survivre l'un à l'autre & jamais ne mourir,
Sans pouvoir tour à tour vous entresecourir
D'ames pour vos amours, & d'amour pour vos ames.


CHANSON


Comment pensez vous que je vive
Esloigné de vostre beauté ?
Tout ainsi qu'une ame captive
Au gouffre d'une obscurité,
Qui n'attend tremblante à tout'heure
Que le jour qu'il faut qu'elle meure.

Je ne vois par tout que des ombres,