Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/20

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Les palmes qu'elle donne aux Amans courageux
Enlasserent plus fort leur force renaissante.

Mais depuis que du temps la course coustumiere
Anima, de ce feu, les grillantes ardeurs,
Les corps ne sentoyent plus, du Soleil, que froideurs,
Et les ames brusloyent dessous ceste lumiere.

Le pauvre Amour, couvert d'un funebre nuage
Des rayons pallissans d'une fausse beauté,
Tout aussi tost qu'il veit brusler ceste clarté,
Esclata tout en lustre & changea de visage.

Il se leve, ravi de ces flammes nouvelles :
Voici, voici, dit-il, du secours à l'Amour,
Et pour luy faire honneur il volette alentour :
Mais il en fist la preuve & se brusla les aisles.

O presage asseuré, s'escria-t-il à l'heure,
Que ce flambeau si beau n'esclaire point en vain,
Et qu'il faut, en laissant un travail incertain,
Que ce repos certain me serve de demeure.

Je voy de toutes pars ma torche consumée
Jetter la cendre en terre et l'estincelle aux cieux :
Ce feu, ce feu, tout seul, peut rallumer mes feux :
Car tous les autres feux n'ont que de la fumee.

Deslors Amour perdit franchement sa franchise
Et de tous ces beaux champs en fist un beau desert,
Il maistrisoit n'aguere, & maintenant il sert,
Mais ce service là valloit bien sa maistrise.

Il met son arc, ses traits, es mains de la Deesse,
Pour un gage certain qu'elle l'avoit soustrait ;
Mais gardez vous, dit-il, gardez qu'un jour le trait
Duquel vous blesserez luy mesme ne vous blesse.

Elle les prend soudain d'aise toute ravie,
Se glisse dedans l'air où sont les demi-dieux,
Eslance tout d'un coup cent flesches de ses yeux
En frappe tout un monde, & leur oste la vie.