Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/15

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XVIII.


Ne vous estonnez point si mon esprit qui passe
De travail en travail par tant de mouvemens,
Depuis qu’il est banni dans ces esloignemens,
Tout agile qu’il est ne change point de place.

Ce que vous en voyez, quelque chose qu’il face,
Il s’est planté si bien sur si bons fondemens,
Qu’il ne voudrait jamais souffrir de changemens
Si ce n’est que le feu se peust changer de place.

Ces deux contraires sont en moy seul arrestez
Les foibles mouvemens, les dures fermetez :
Mais voulez vous avoir plus claire cognoissance

Que mon espoir se meurt & ne se change point ?
Il tournoye à l’entour du poinct de la constance
Comme le ciel tournoye à l’entour de son poinct.


XIX.


Je contemplois un jour le dormant de ce fleuve
Qui traine lentement les ondes dans la mer,
Sans que les Aquilons le façent escumer
Ni bondir, ravageur, sur les bords qu’il abreuve

Et contemplant le cours de ces maux que j’espreuve
Ce fleuve dis-je alors ne sçait que c’est d’aimer,
Si quelque flamme eust peu ses glaces allumer
Il trouveroit l’amour ainsi que je le treuve.

S’il le sentoit si bien, il auroit plus de flots,
L’Amour est de la peine & non point du repos,
Mais ceste peine en fin est du repos suyvie

Si son esprit constant la deffend du trespas,
Mais qui meurt en la peine il ne merite pas
Que le repos jamais luy redonne la vie.