Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/12

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XII.


Mon cœur ne te rends point à ces ennuis d'absence,
Et quelques forts qu'ils soyent sois encore plus fort
Quand mesme tu serois sur le poinct de la mort
Mon coeur ne te rends point, & reprens ta puissance.

Que si tant de combats te donnent cognoissance
Que tu n'es pas tousjours pour rompre leur effort
Garde toy de tomber en un tel desconfort
Que ton amour jamais y perde son essence.

Puis que tous tes souspirs sont ainsi retardez
Laisse laisse courir ces torrens desbordez,
Et monte sur les rocs de ce mont de constance :

Ainsi dessus les monts de ce sage chef Romain
Differa ses combats du jour au lendemain,
Se mocqua d'Hannibal, rompant sa violence.


XIII.


Tu disois, Archimede, ainsi qu'on nous fait croire
Qu'on te donnast un poinct pour bien te soustenir
Tu branlerois le monde, & le ferois venir,
Comme un faix plus leger de lieu en lieu s'emporte :

Puis que ton arc si beau, ta main estoit si forte
Si tu pouvois encore au monde revenir
Dans l'amour de mon cœur s'esforce à retenir
Tu trouverois ton poinct peut estre en quelque sorte.

Pourroit-on voir jamais plus de solidité
Qu'en ce qui bransle moins plus il est agité
Et prend son asseurance en l'inconstance mesme :

Il est seur, Archimede, & je n'en doute point
Pour bransler tout le monde & s'asseure d'un point
Il te falloit aimer aussi ferme que j'aime.