Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/10

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VIII.


Ce tresor que j’ay pris avecques tant de peine
Je le veux avec peine encore conserver,
Tardif a reposer, prompt a me relever,
Et tant veiller qu’en fin on ne me le suprenne.

Encor que des mes yeux la garde plus certaine
Aupres de son sejour ne te puisse trouver,
Et qu’il me peut encor en l’absence arriver
Qu’un autre plus prochain me l’empoigne & l’emmaine.

Je ne veux pas pourtant me travailler ainsi,
La seule foy m’asseure & m’oste le soucy :
Et ne changera point pourveu que je ne change.

Il faut tenir bon œil & bon pied sur ce point,
A gaigner un beau bien on gaigne une loüange,
Mais on en gaigne mille à ne le perdre point.


IX.


Si tant de maux passez ne m’ont acquis ce bien,
Que vous croyez au moins que je vous suis fidelle,
Ou si vous le croyez, qu’à la moindre querelle
Vous me faciez semblant de n’en plus croire rien ;

Belle, pour qui je meurs, belle, pensez vous bien
Que je ne sente point cette injure cruelle ?
Plus sanglante beaucoup, que la peine éternelle
Où malgré tout le monde encor je me retiens,

Il est vray toutesfois, vos beautez infinies,
Quand je vivrois encor cent mille & mille vies,
Ne se pourroyent jamais servir si dignement

Que je ne fusse en reste à leur valeur parfaicte :
Mais croyez-le ou non, la preuve est toute faicte
Qu’au près de moy, l’amour aime imparfaitement.