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si détestable, puisque la plus sage et la plus ancienne nation qui soit au monde en fait une profession publique. Le premier pontife, Benoît XIII, n’a pas moins de zèle pour la cause de Dieu que n’en eut Clément XI, de sainte mémoire[1]. On avait défendu d’écrire en France ni pour ni contre les jansénistes, sous prétexte du bien de la paix. Clément XI l’ayant su, écrivit sur-le-champ au roi pour faire lever une telle défense.

Comment donc Benoît XIII nous empêcherait-il d’écrire contre ceux qui se servent des livres chinois pour autoriser l’athéisme en Europe ? L’Église jugerait-elle qu’il faut avoir plus de ménagement pour les athées que pour les hérétiques ? Ce serait un crime de le penser.

Dire que les Lettrés chinois sont athées parce qu’ils ne sont point idolâtres, c’est ce qu’on disait des premiers chrétiens ; dire qu’ils vivent en athées, ce n’est pas ce dont il s’agit ; dire qu’ils ne parlent de 上帝 Chang-ti que pour retenir le peuple dans le devoir, il faut le prouver ; dire qu’ils sont athées en physique et religieux en morale, c’est une chimère qui se détruit d’elle-même ; dire enfin qu’ils paraissent athées, c’est ne dire rien, car je ferai voir qu’ils paraissent encore plus déistes. Or, tout homme qui voit clairement qu’il y a un Dieu et qui paraît quelquefois en douter ne doit point passer pour athée, si, dans ses derniers ouvrages, il n’a point rétracté ce qu’il avait dit en faveur de la Divinité. Or, je défie tous ceux qui parlent si haut en Europe de me produire un seul Lettré chinois qui soit tel. C’est donc sans raison qu’on avance que ces Lettrés font profession d’athéisme.

Je n’en demeure néanmoins pas là, et pour procéder avec ordre, je divise cette lettre en deux parties :

Dans la première, j’examinerai le système physique de quelques Chinois modernes dans lequel deux ou trois Européens ont cru voir les impiétés de Spinosa.

Dans la deuxième partie, je ferai voir par un assez grand nombre de textes exactement tirés des plus fameux de ces Chinois modernes, qu’ils ont de la Divinité les mêmes notions que

  1. Les Annales ont résumé la plupart des décrets rendus par le Saint-Siège sur les affaires de la Chine dans leur t. xix, p. 215 (3e série). (B.)