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l’empereur que d’aller si souvent débiter des dogmes auxquels les uns ne comprendraient rien, et dont les autres se moqueraient ! Mais certainement il n’en est pas ainsi. La nation chinoise est persuadée que le Ciel peut tout, qu’il est partout, qu’il voit et entend tout, qu’il est le père-mère des hommes, qu’il prend soin d’eux, qu’il les porte au bien, qu’il les détourne du mal, qu’il récompense la plus petite action vertueuse et qu’il punit les moindres fautes ; qu’il n’a point d’égal et qu’il est au-dessus de tout.

Cela est si vrai, que, quand nous prêchons contre les idoles, les Chinois, qui les servent, nous répondent qu’ils ne les honorent que comme autant d’intercesseurs auprès du Seigneur suprême. El ce n’est qu’après qu’on leur a montré qu’ils leur attribuent sans fondement un tel pouvoir, que, n’ayant plus d’espérance en leur secours, ils les abandonnent. Que nous serions heureux, s’il nous était aussi facile de leur faire adorer Jésus-Christ qu’il nous est aisé de leur faire quitter les idoles ! Mais, hélas ! depuis trente ans que je suis en Chine, j’ai la douleur de voir que chaque année on met de nouveaux obstacles à leur salut. Nous voilà enfin chassés de nos églises, voilà notre sainte religion authentiquement confondue, par l’empereur régnant[1], avec toutes les sectes impies et extravagantes que les lois de l’empire ont raison de condamner.


Et ce même empereur, qui dit souvent de Thien et de 上帝 Chang-ti tout ce que les prophètes ont dit du vrai Dieu, raille publiquement le nom de 天主 Thien-tchu que

  1. C’est dans son explication en dix mille caractères 萬言論 Wan yen-lun, sur seize articles de morale qu’on enseigne publiquement aux peuples deux fois par mois. L’empereur, après avoir énuméré toutes les sectes les plus répréhensibles, dit page 20 :
    « La religion d’Europe qui honore Thien-tchu est aussi au nombre des fausses sectes. Ces gens savent les mathématiques, c’est pourquoi l’empire se sert d’eux. Il faut que vous tous, à qui je parle, en soyez bien informés. » (Pr.)
    Nous nous permettrons d’observer ici que, dans le texte chinois, l’empereur ne dit pas que la religion du Seigneur du Ciel des Européens est du nombre des fausses sectes ; il dit simplement qu’elle n’est pas tirée des King chinois, qu’elle ne leur appartient pas 亦屬不經 i chou pou king. (G. P.)