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encore arrivé, le Ciel se laisse vaincre par les hommes ; mais quand ce jour paraîtra, le Ciel certainement sera plus fort que tous les hommes ensemble. Quand nous voyons aujourd’hui quelqu’un que le Ciel châtie, qui sait si demain il ne lui fera pas quelque faveur ? Et quand nous voyons, au contraire, quelqu’un que le Ciel récompense, qui sait si demain il ne le punira pas ? Quand le Ciel châtie, on dirait qu’il est en colère et qu’il agit par haine ; mais punir ceux qui méritent d’être punis, c’est la raison qui l’exige. Pourquoi le Ciel haïrait-il ceux qu’il châtie ? Si vous comprenez bien qu’il punira un jour les pécheurs sans le moindre mouvement de haine, vous comprendrez aussi que s’il ne les punit pas encore, cela ne vient point d’une molle indulgence qu’il aurait pour eux. Le temps qu’il a déterminé n’est pas encore venu, mais il viendra très-immanquablement. Il n’y a qu’un point que nous ignorons : c’est quand viendra ce jour qu’il a ainsi déterminé. »

Pourrions-nous parler plus exactement dans le Christianisme même ?

9o Le peuple chinois n’est point différent des lettrés dans l’idée que tous les hommes ont de la Divinité. Je pourrais en apporter mille exemples tirés des comédies et des livres écrits en style populaire. La petite chanson qui suit et qui est dans la bouche de tout le monde me suffit.

1. « Le Ciel a un cœur ; sa mémoire ne le trompe pas. Devant lui la vertu est vertu et le crime est crime.

2. » Le Ciel a une bouche ; il parle sans parler comme nous. Quand il est content, il ne rit point ; quand il se fâche, il ne dit point d’injures.

3. » Le Ciel a des yeux, il nous connaît tous. Devant lui, ce qui est faux est faux, ce qui est vrai est vrai.

4. « Le Ciel a des oreilles, il entend clair. On peut lui dire ce qu’on veut, il ne rebute personne[1]. »

  1. Nous plaçons dans le corps de la lettre le texte chinois de cette chanson, que le P. Prémare n’avait donné qu’en note ; et nous y ajoutons la prononciation des caractères, avec un mot à mot latin. (G. P.)