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Il me semble que j’ai droit, après cela, de dire que le passage qu’on m’a opposé est de ceux où Tchou-hi fait le physicien. Il veut expliquer machinalement comment se fait la naissance de l’homme ; les Saints ne sont point en cela distingués du vulgaire. A-t-il dit quelque part que c’est un pur hasard que Kie et 'Tchéou[1] aient perdu l’empire, a-t-il dit que Tching-tang et Vou-vang soient montés par pur hasard sur le trône, sans que le Ciel s’en soit mêlé ? Ne dit-il pas, d’après les King, tout le contraire ? Ces sortes de passages ne peuvent donc rien prouver.

4° Dans le Chou-king, chapitre Kao-yao-mou, on dit « que l’homme travaille à la place du Ciel, et qu’ainsi son ouvrage est l’ouvrage du Ciel[2]. »

Ou-lin-tchouen explique très-bien cela : « Ce que l’empereur fait, c’est ce que le Ciel veut qu’il fasse en sa place, c’est la charge que le Ciel lui donne ; mais l’empereur ne peut pas faire tout par lui-même ; il partage donc ses fonctions avec ses sujets, et par conséquent tout ce que font les mandarins, c’est à la place du Ciel qu’ils le font[3]. »

Et au chapitre Taï-tchi, après avoir dit que c’est le Ciel qui donne au peuple un roi pour le gouverner et pour l’instruire, il ajoute :

  1. Kie fut détrôné par Tching-tang, et Tchéou par Vou-vang. C’est ce qui fait proprement le sujet du Chou-king. (Pr)
  2. 天工。人其代之 thiên koûng, jin khi taï tchi s’applique, dans le texte chinois, aux hommes préposés au gouvernement des autres hommes. « Ils gèrent les affaires publiques au nom du Ciel, et c’est de lui qu’ils tiennent leur mission. — Par Thiên-kôung [littéralement ouvriers du Ciel], dit le commentateur Tsai-chin, traduit par nous (Livres sacrés de l’Orient, p. 57, note 1), on entend les hommes sages qui gèrent à sa place, selon les principes de la raison, les affaires publiques ; celles que gouvernent ou administrent la foule des magistrats ou fonctionnaires publics, ne sont rien autre chose que les affaires du Ciel. »
    L’ancien commentaire Tching-hi (de Khoung-ing-ta) dit à ce sujet : « Les lois, les rites, les récompenses et les châtiments, tout vient du Ciel. Sa volonté est de récompenser les bons et de punir les méchants ; car il n’y a que le bien ou le mal qui soit récompensé ou puni du Ciel. Et quand il punit ou qu’il récompense, il n’y a ni grands ni petits qui puissent lui échapper ! »
  3. Chou-king ta-tsiouen, k. ii, p. 35.