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Seigneur. — On me demandera qui est ce Maître souverain ? — Je réponds : Il y a très-certainement un souverain Seigneur, car le ciel, très-fort et très-rapide, roule naturellement sans cesse. Or, la cause pourquoi il tourne ainsi sans s’arrêter, c’est qu’il y a sans doute un Maître souverain qui le gouverne. Mais il faut que chacun réponde en soi-même sur ces sortes de questions, car il n’y a point de paroles qui puissent exprimer cela[1]. »

Enfin, il dit encore ailleurs :« Que l’amour unisse le père et le fils, et la justice le roi et le sujet ; la raison le veut ainsi. Mais cependant il faut qu’il y ait une Raison supérieure qui nous enseigne ces vérités, et ensuite nous les connaissons. Mais ce n’est point ce que les bonzes disent, qu’il y a trois Seigneurs très-purs, qui ont tels et tels habits et qui sont assis de telle et telle manière[2] »

Il est rapporté dans le Chou-king que le Seigneur apparut en songe à Kao-tsoung et lui dit : « Je vous donne un ministre fidèle. » Écoutons Tchou-hi raisonner sur ce fait :

« Cela étant ainsi, comme on n’en peut douter, il faut qu’il y ait un Seigneur du Ciel qui dit à Kao-tsoung : Je vous donne un ministre fidèle. » — On veut que Ti signifie Seigneur,

    ment ou de la mort (wang tchi ming) ? Ce mot ordre (ming) signifie-t-il cet air ou souffle vital (khi) donné d’en haut. — Réponse. La vie et la mort sont une vie longue ou courte qui cesse d’étre. Il est certain que c’est le souffle vital (khi) qui donne cette vie. Il paraît seulement que ce que Meng-tseu appelle la nature (sing) est un mot mis par lui à la place de ming ordre, destinée. Alors donc il y a une distinction importante à faire. Je choisis cette question ; — Le mot ming de la phrase : ne pas connaître la destinée (pou tchi ming), et celui de la phrase : connaître l’ordre ou le mandat du ciel (tchi thiên ming) sont-ils identiques ? — Réponse. Ils ne le sont pas. Connaître l’ordre ou le mandat du ciel, c’est savoir d’où vient sa raison d’être (wéi tcht khi li tchi sso tséu lâi). Prenons l’eau pour comparaison. Tous les hommes savent ce que c’est que l’eau ; il n’y a que le saint homme qui connaisse le lieu de sa source. De même, ignorer le lieu d’où sort l’ordre, le mandat (ming), c’est en réalité (ignorer) l’ordre même, la destinée de la vie et de la mort, d’une vie longue ou courte, de la pauvreté ou de la richesse, de la noblesse et de la bassesse de condition. » (G. P.)

  1. Œuvres complètes de Tchou-hi, k. xlix, f° 27. (G. P.)
  2. Ib., k. xii, f. 12. Ces bonzes s’appellent Tao-sse ; ils reconnaissent Lao-tse pour maître, mais ils entendent Lao-tse encore moins que les Lettrés Jou n’entendent les King, (Pr.)