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qu’un lui demande quel est le sens qu’on donne au caractère thiên dans les livres anciens. Il répond « qu’il faut bien prendre garde de s’y tromper ; car, tantôt il désigne la voûte azurée, tantôt il signifie le souverain arbitre de toutes choses, et tantôt il dénote seulement la raison[1] »

Dans un autre endroit, il redit la même chose, « que le Ciel c’est la Raison, mais que la voûte azurée c’est aussi le Ciel, et que celui qui est en haut et qui a le souverain domaine, c’est encore le Ciel[2]. »

On voit par ces deux derniers passages que le mot thién a plusieurs sens fort divers, puisqu’il se prend pour dire la Raison, le Ciel matériel et le Maître du monde. Et pour peu qu’on sache la langue chinoise, on sent d’abord quel est le sens qu’il a dans les divers endroits où il se trouve. Meng-tsee dit que « quand on connaît sa nature [à soi] on connaît le Ciel[3] » — Tout ce que j’ai vient de là, dit Tchou-hi (dans son commentaire) ; par conséquent, quand je sais ce que je suis de

  1. Œuvres complètes en chinois, k. xlix, f° 25. (G. P.)
  2. Ib. k. xxxiv, f° 17. C’est dans une note sur le chapitre Tai’tchi du Choû-king. Voici le passage en entier : « Tchouang-tchoung fit cette question : Si le Ciel voit les regrets de notre peuple, si le Ciel entend les entendements de notre peuple, ce qu’on appelle le Ciel c’est donc la Raison (li) ? — Tchou-hi répond : Le Ciel c’est assurément la Raison (li) ; mais la voûte azurée, c’est aussi le Ciel, et celui qui réside en haut et qui a le gouvernement souverain : 在上而有主宰者 {tsai chàng eûlh yeôu tchcù tsàï tchè), c’est aussi le Ciel : 亦是天 (i chi thiên). Chaque sens se déduit du contexte du discours : 各隨地所說 (ko sôuï thâ ssà choué). Maintenant, en ce qui concerne les termes prononcés : voir et entendre, ils s’appliquent à la Raison (li) ; et bien que ceux qui en ont parlé ne soient pas d’accord sur la manière dont elle voit et entend, il demeure seulement certain que c’est un seul et même être 有却只是一箇 (yéou khio tchi chi i ko). » (G. P.)
  3. Meng-tseu fut disciple de Tseu-sse, petit-fils de Confucius. Son ouvrage fait partie des Quatre livres classiques. C’est au ch. vii du Liv. 2 qu’il s’exprime ainsi. (Pr.) Voici le texte : 知其性。則知天矣。.