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khi khi pour la matière dont est composé ce monde visible, comme l’ont cru plusieurs Chinois habiles ; c’est une tradition constante que Thaï-khi renferme trois qui ne sont qu’un : 太極含三為一 (Thaï-khi hân san wei i, supremus terminus continens tres facit unum). La même chose se dit de la grande unité : 太一合三 (Thai i ho sân : supre mum unum congregat tres) ; et on croit que les anciens rois sacrifiaient à l’esprit trine et un[1] : 古者天子祀神三一 Koù tchè thién tsèu sse chîn sàn i.

Or, Tchou-hi ne saurait montrer dans son Thaï-khi la moindre trace d’un Être un et trine ; donc Tchou-hi n’a point compris ce que c’est que Thaï-khi, et ceux qui pensent comme lui s’égarent avec lui. Il est vrai qu’il parle souvent de Thaï-khi et de yin, yang, et qu’il répète sans cesse que 太極 Thaï-khi c’est Li, et que yin, yâng c’est khi. Mais, selon lui, Li et Khi sont deux êtres fort divers, et yin, yâng ne sont qu’une seule et même matière.

Quand donc on supposerait faussement que ces trois idées 1° Thaï-khi, c’est-à-dire Li, 2° Yin, 3° Yang, font le Thaï-khi tout entier, encore ne pourrait-on comprendre comment cela n’est qu’un seul et même être vraiment un et vraiment trine, puisque la matière Khi et la raison Li sont deux choses parfaitement disparates. Si on voulait distinguer 1° un Thaï-khi éternel, illimité et incréé ; 2° un Thaï-khi créé et borné, qui serait matériel ou spirituel ; 3° un Thaï-khi théandrique qui réunît en soi le créateur et la créature, le roi et le sujet. Dieu et l’homme, il serait aisé d’apporter le véritable sens de ces antiques traditions inexplicables à tous les Tchou-hi de Chine. Mais cela n’étant pas de mon sujet, je reviens au Li dont Tchou-hi parle tant.

Après avoir examiné tout ce qu’il en dit[2] je crois qu’il prend

  1. Voir dans les Annales de philosophie, t. xx, p. 372, le texte curieux de Sse-ma-tsien affirmant « que les anciens rois sacrifiaient à la suprême Unité, tous les sept jours. (B.)
  2. La dissertation spéciale de Tchou-hi sur le Li comprend 14 pages de ses