Page:Premare - Lettre inédite du P. Premare sur le monotheisme des Chinois, edition Pauthier, 1861.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que « la Raison n’est point séparée de la. Matière[1] » ; et il le fait valoir autant qu’il peut et qu’il vaut. Mais prenant ensuite les King pour de meilleurs guides : « On lit, dit-il, dans le Choû-king, chapitre Thaï-kia, ces paroles :

« Le Ciel ne fait point acception de personne ; pour s’en faire aimer il faut veiller sans cesse sur son cœur. » Au chapitre Hien-yeou-y-te, on lit ces mots : « Il n’est pas toujours sûr de compter sur l’assistance du Ciel : ses faveurs ne sont pas inamissibles. » Enfin, au chapitre Y-yun, il parle encore plus clairement et dit : « Quand on pratique la vertu, il donne mille récompenses ; et quand on fait le mal, il accable de mille châtiments. »

Yu-chi (Yu Wen-tsee), appuyé sur des autorités si fortes et si respectables, poursuit et raisonne ainsi :

« Si dans l’univers il n’y avait rien autre chose que ce Khi qui roule incessamment et le Li qui suit la matière dans tous ses mouvements, sans qu’on fût oblige d admettre outre cela un Seigneur et un Maître très-intelligent et très-sage, je demande quel est donc celui dont parle le Choû-king, qui aime et n’aime pas, qui récompense et châtie ? N’est-ce pas celui que nos King appellent le très-auguste souverain Seigneur ? Hélas ! nous sommes à tous moments sous ses yeux et saisis de crainte devant une si haute majesté. Bien loin de veiller sur nous-mêmes, emportés par nos passions déréglées et éblouis de nos folles vues, nous osons comme jouter contre le Seigneur ! Y a-t-il folie qui soit égale à la nôtre[2] ? »

  1. 理不離氣Li pou li khi. — Le texte du dictionnaire porte : Thiên soui i li eûlh li, pou li khi, kaï li khi, tseu lï pou koû hing ; li li eûlhkhi wôu tout sou ; pi lî khi tchi kwdn thoûng ; c’est-à-dire littéralement ; « Le Ciel, » quoiqu’il ne soit qu’un avec le Li, ou la Raison, et qu’il soit cette même raison (Li), ne peut être séparé du Khi : car, supposons-le séparé du Khi, alors le Li, ou la Raison (devenue isolée) ne pourra agir seule, étant comme un orphelin ; séparé du Li, le Khi n’aura plus de liens, plus d’action ; le Li et le Khi doivent par cela même ne former qu’un seul et même assemblage. » (Pin-tseu-tien, art. thiên, f° l v°.) Viennent ensuite les citations des King. (G. P.)
  2. Iu Wen-tseu ajoute encore beaucoup d’autres citations et d’autres défini-