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faite, il est évident que la raison et la matière, l’ouvrier et l’ouvrage sont deux êtres entièrement distingués l’un de l’autre.

Tchou-hi le dit clairement en plusieurs endroits de ses œuvres : « 1° Il y eut cette Raison (Li), et ensuite il y eut cette Matière (Khi) ; 2° si on raisonne de l’origine et de la source, il faut dire que la Raison était, et qu’ensuite vint la Matière ; 3° au commencement, lorsqu’il n’y avait pas encore la moindre chose, cette Raison existait seule ; 4° avant qu’il y eût cette Matière (khi), il y avait déjà cette Nature (Sing). La matière peut cesser d’être, mais la nature subsiste toujours. Bien qu’elle soit au milieu de la matière, cependant la matière est matière, et la nature est nature ; l’une et l’autre ne sont point du tout mêlées et confondues. » On voit par tous ces passages que Li et Khi sont deux êtres différents[1].

Tchou-hi ne peut pas le dire d’une façon plus claire que dans ces propres paroles :

« Li et Khi sont très-certainement deux choses. Si on considère les êtres actuellement existants, ces deux choses sont tellement unies ensemble, qu’il n’y a pas moyen de les sé parer pour les mettre chacune à part ; ce qui n’empêche pas que ce soit deux êtres très-différents. Mais si on considère purement Li, bien qu’il n’y eût aucun être figuré : Li, la Raison de tous les êtres, existait seule, et il n’y avait alors aucun autre être qu’elle[2]. »

On m’objectera que Tchou-hi, dans ce même Livre (p. 2), tient un tout autre langage. « La Matière, dit-il, peut se pren-


    造分天地。化成萬物。 Tiao fén thiên ti hoa tching wên we.
    Creando separavit cœlum (et) terram. Mutando perfecit omnes res.
    (G. P.)

  1. L’empereur Khang-hi donna l’ordre à Hioung-sse-li et à Li-kouang-ti, deux de ses plus savants Ko-lao, de réunir dans un même corps tous les ouvrages de ce fameux écrivain. Le recueil a pour titre : Tchou-tsee tseouen chou, c’est-à-dire : Œuvres complètes du philosophe Tchou, ou Tchou-hi. C’est là qu’on trouvera les passages rapportés dans le texte : 1° kiouen xlix, p. C ; 2° p. 7 ; 3° p. 10 ; 4° au kiouen xlix, p. 18. (Pr.)
  2. Sing-li-hoet-toung, k. xxvi, p. 3. (Pr.) — Voir aussi Tchou-tseu-tsiouen chou, k. xlix, f° 5 v° ; art. Li khi. (G. P.)