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LE MARI DE LA POÉTESSE

avec une gaieté extérieure, qui dissimulait une lassitude infinie.

Elle était enceinte de six mois, quand elle essaya, à force de poudre, de fards et de vermillon, de jouer l’Agnès de L’École des Femmes et aussi La Fausse Agnès, du même Destouches, dont nous avons oublié la vogue persistante.

Quelle misère ! Et Valmore interprétait Arnolphe, menaçait sur un ton rugissant de s’arracher un côté de cheveux. C’était lui, dont elle déchirait innocemment le cœur, et c’était elle qui respirait à peine, de son amour inavouable et étranglé. À chaque vers, elle sentait des allusions et ne le disait que mieux. Malgré ce que sa situation avait de pénible, presque de ridicule sous des jupes bouffantes qui la soulignaient en prétendant la dissimuler, elle était longuement applaudie, beaucoup plus que son pauvre mari.

Elle retrouvait le même succès dans la comédie de Destouches. L’auteur, cependant, ne l’avait composée que pour sa distraction particulière, pour la jouer lui-même avec des amateurs de ses amis, dans son domaine de la Motte. Mais ce grossissement de l’idée moliéresque plaisait beaucoup au public de la Restauration. Il s’amusait de la déconvenue burlesque de M. Desmasures, poète campagnard, vaniteux et sot, complètement berné par la jeune Angélique, qu’il a fait élever à la campagne : « élever » est une façon de parler,