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LE MARI DE LA POÉTESSE

proie pour l’ombre, l’homme n’aboutit à rien ; nul besoin de ce petit tragédien chez Molière, on le lui avait montré six ans auparavant ; pourquoi s’acharner ? La femme se heurtait à des difficultés encore pires, que son entourage n’avait nullement prévues. Non seulement les libraires ne montraient aucune envie de la « persécuter » pour reprendre le mot de Mascarille, mais encore elle se reconnaissait bien incapable de former, de ses poésies éparses, un recueil susceptible d’être publié. Elle avait le génie d’exhaler en vers quasi inconscients les soupirs et les ardeurs de son âme brûlante, mais elle ignorait l’art indispensable de disposer les pièces dans un ordre harmonieux, de distinguer ce qui devait être corrigé ou conservé. C’étaient des cahiers informes qu’elle apportait aux éditeurs. Elle s’étonnait douloureusement qu’on ne les lût pas.

Heureusement — ou malheureusement, suivant le point de vue auquel on se place — quelqu’un allait reparaître, quelqu’un qui possédait justement les qualités qui lui manquaient : la culture, le goût, le sens critique, la connaissance avisée du public. C’est grâce à Latouche que la France et le monde ont connu André Chénier ; c’est grâce à lui également que nous avons eu Marceline.

Il s’en occupa vers la même époque. Rentrant de Rodez, où il avait inauguré avec ses lettres du Sténographe parisien sur l’affaire Fualdès le grand reportage judiciaire, il s’oc-