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LE MARI DE LA POÉTESSE

remplacer celui que je pleure encore… Mais, moi, m’aimeront-ils ? Oh ! demandez-leur de m’aimer, de commencer à présent pour ne jamais finir.

C’était délicat. Mme Valmore accueillit sa bru d’assez mauvaise grâce. Puis elle sembla désarmer devant sa bonne volonté, l’amour qu’elle marquait pour son fils, et surtout sa première grossesse. Car, dès le début de son mariage, Marceline devint enceinte, et, le 22 juillet 1818, elle accoucha d’une fille, Junie… Tous leurs enfants porteraient des noms de tragédie.

Malheureusement, Junie vécut très peu ; le 11 août suivant, au bout de vingt jours d’une frêle existence, elle était morte. Ce fut l’occasion de nouvelles critiques sur le peu de santé de la jeune femme, sur son défaut de savoir où remontaient de perpétuelles allusions à un passé que Prosper, avec une volonté désespérée, voulait effacer. Plus tard, à ces insinuations, à ces « tracasseries jalouses d’une mère aigrie par de petites prétentions d’autorité menacée », Marceline attribuera les soupçons renaissants de son mari.

Ce premier orage ne dura pas beaucoup. Car si Valmore était troublé et traqué par ces remarques lancinantes, il avait découvert en son père un allié. Le vieil acteur n’avait pu résister au charme de sa belle-fille, à sa façon prenante d’interpréter la tragédie. Comme son fils, il se croyait poète et connaisseur. Quelques stro-