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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

qu’il y en a peu d’aussi pénétrantes, car la prononciation est aussi distinguée que celle de Mlle Mars. Accepte cela de ton juge le plus sincère…

Seulement, ce qui perdait un artiste doué d’aussi précieuses qualités, c’est qu’il resterait toute sa vie un classique impénitent. Élevé dans le culte de la tragédie, il ne comprendrait jamais que son règne était passé avec celui de l’Ancien Régime, que la formidable secousse de 1789 avait singulièrement modifié le monde intellectuel.

— Quand seras-tu délivré des Grecs et des Romains, autre part que dans ta bibliothèque ? lui demandait sa femme. Je voudrais que tu vendisses dans deux mois ton dernier manteau.

Le pire, pour l’existence qu’il était appelé à mener, c’est qu’il s’efforçait, dans l’intimité, de se faire une âme cornélienne. Chaque jour, il établissait son examen de conscience et ne se pardonnait rien. Un brave garçon, un peu agaçant.

Comment, dira-t-on, avec un pareil état d’esprit, avait-il lié sa vie à celle d’une comédienne dont le passé lui apparaissait à tout le moins un peu obscur ? Il ne pouvait en aucune manière ignorer que sa fiancée avait eu un petit bâtard, mort à Bruxelles même, l’année précédente. D’ailleurs, l’eût-il seulement soupçonné, que Marceline le lui aurait avoué, sur-