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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

trois longues années, Marceline avait gardé le souvenir de son rôle d’Euphrasie — les héroïnes de ce temps collectionnaient les noms burlesques — dans Le Vieillard et les Jeunes Gens, une des comédies les plus faibles de Colin d’Harleville, où l’on voyait Melville et Jules, à peine échappés de l’école, se poser en maîtres dans la maison, et disposer de la main de leur sœur pour un mariage détestable avec un certain Lorsan, fat lié avec une autre femme. Comment échappera au danger la jeune fille persécutée ? Grâce à l’intervention de M. de Naudé, aimable sexagénaire, qui se pose en prétendant auprès de la mère et déjoue les détestables projets des jeunes écervelés,

Comment se seraient satisfaits le cœur et l’esprit de notre jeune première, au cours de tant de soirées vides ? Cette période de la gloire impériale évoque irrésistiblement les malédictions de Musset et de Lamartine : « Rien ne peut peindre à ceux qui ne l’ont pas subie l’orgueilleuse stérilité de cette époque. » Le théâtre vivait sur la production lamentable du siècle précédent, où il avait été de bon ton de s’apitoyer à tout bout de champ, de déclamer sur des malheurs imaginaires, dont, au fond, on ne s’émouvait pas du tout. Et l’on comprend aisément que Mlle Desbordes se fût privée bien facilement de farcir son cerveau de tant de tirades saugrenues, de tant de mauvais vers, elle qui sen-