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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

la bouche d’un guide des Alpes : à la scène, Mlle Desbordes le sauvait par sa grâce touchante, par tout ce qu’elle y mettait de sa propre vie.

Elle arrivait, en effet, dans un moment où triomphait au théâtre la sensibilité larmoyante de la fin du XVIIIe siècle, étonnante époque où les hommes, mêlés aux horreurs de la guerre civile et de la guerre étrangère, ne demandaient qu’à s’émouvoir et à verser des pleurs naïfs. Ainsi jouait-elle Cécile, dans L’Honnête Criminel ou l’Amour filial, cinq actes en vers, où Fenouillot de Falbaire avait transposé l’histoire douloureuse de Jean Fabre, protestant de Nimes, envoyé aux galères à la place, de son vieux père, et demeurant dans la chiourme jusqu’à ce que le duc de Choiseul brisât ses fers par un brevet de congé.

Ici, Lisimon a été remplacé par son fils André, qui depuis six ans expie à sa place, à Rochefort, le zèle religieux du pasteur. Il y est reconnu par Cécile, qui l’aime toujours et qui mourra de chagrin s’il est coupable ; mais comment André parlerait-il sans compromettre et livrer son père ? En vain, le généreux Dolban fait-il luire à ses yeux l’espoir d’épouser sa fidèle amante… Heureusement, au cinquième acte, le malheureux rentre chez lui, retrouve le vieillard auquel il a sauvé la vie, et sa fiancée, qui, lasse d’attendre, est sur le point d’en épouser un autre. Comme tout le monde est vertueux, dans ce genre de pièces,