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MALHEURS DE LA JEUNE PREMIÈRE

tites étapes, visitant à pied et à cheval la Suisse et le Midi de la France.

Il s’était allégé l’âme en écrivant ce poème qu’il ne publia que quinze ans plus tard :

Brisons des nœuds dont l’étreinte vous blesse,
Vous accusez le souvenir,
Vous regrettez les instants de faiblesse
Et moi des jours perdus pour l’avenir.
L’emportement, les plaintes, les alarmes,
Retiennent seuls nos destins enchaînés ;
L’amour vaincu conserve encor ses armes
Et nous lance en fuyant ses traits empoisonnés.
L’illusion pour nous ne peut renaître…
… Pendant tout un printemps, ne m’as-tu pas aimé ?
Pendant tout un printemps les tilleuls du bocage
Associaient leur ombre et mêlaient leur feuillage,
Et voilà que, de fleurs doucement dépouillés,
L’hiver a désuni leurs rameaux défeuillés…[1]

Marceline ne se consolait pas si aisément. L’âme ulcérée, elle croyait voir son amant s’en allant en Italie, pour suivre « une déesse à la mode », dont elle faisait ainsi le portrait dans son premier roman : « Une expérience de cent ans sous les grâces de dix-huit » ; — et elle imaginait des jeux de bal, des émotions de valse, des bouquets, échangés comme par distraction… Puis, sur un tout autre ton, dans son exil normand, auprès du pauvre petit être qui matérialisait la réalité de sa triste aventure, elle écrivait pour sa sœur Eugénie :

  1. Élégie IX. Rupture.