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MALHEURS DE LA JEUNE PREMIÈRE

que la poétesse entend chanter dans sa mémoire l’ample mélodie d’Andromaque et d’Iphigénie.

Cette première liaison dura deux ans. C’était beaucoup pour Latouche, jeune mari volage, plus occupé de ses ambitions et de ses plaisirs que de sa nouvelle maîtresse. Elle ne pouvait le captiver par sa beauté ; quelque temps, elle le retint par son charme, sa vivacité d’intelligence et de sentiment, par cette flamme poétique qu’il devinait en elle, et qui le flattait. Tandis qu’il était fort dispersé dans sa famille, dans le monde, dans les théâtres, elle se consumait tout simplement à l’attendre. Elle le voyait partout, dans les promenades qu’elle faisait pour se forcer à sortir, dans les livres qu’elle essayait de lire ou de feuilleter. Quand il n’était pas là, ce qui arrivait souvent, elle n’avait d’inspiration que pour l’évoquer. Et les vers célèbres reviennent aussitôt en foule à la mémoire :

Ma demeure est haute,
Donnant sur les cieux.
La lune en est l’hôte
Pâle et sérieux.

En bas quelqu’un sonne.
Qu’importe aujourd’hui ?
Ce n’est plus personne
Quand ce n’est pas lui !

Vis-à-vis la mienne
Une chaise attend.
Elle fut la sienne,
La nôtre, un instant.