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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

l’élégance impeccable de sa tenue, son allure de gentilhomme. Il suffit enfin de consulter ses portraits pour se rendre compte qu’il était beau, avec l’expression de finesse et d’énergie de tout son visage à l’arcade sourcilière accusée, à la mâchoire solide et volontaire, aux lèvres fines et serrées, et qu’encadraient des cheveux bouclés et de courts favoris.

Plus tard, aigri par la vie et ses déboires, il a pu mordre cruellement ses contemporains et on a eu raison de stigmatiser sa méchanceté ; mais, en 1808, il n’y avait chez ce jeune homme que dominait le culte de la poésie, qu’une propension périlleuse à la raillerie et à l’épigramme, et la caresse de son regard corrigeait vite le pli moqueur de sa bouche. On ne pouvait le voir paraître, avec les gestes rares de ses mains petites et fines, sa voix douce et pénétrante, son langage choisi, sa culture qui ne gardait rien de pédantesque, sans l’imaginer voué à un grand destin.

Il fallait bien qu’il rayonnât un fluide particulier, car cet homme haï des autres hommes, dénigré, bafoué, rabaissé impitoyablement et encore plus impitoyablement sifflé, a jusqu’à la fin été adoré des femmes. Pourquoi donc s’étonner qu’à vingt-trois ans, il rencontrât peu de cruelles ?

Délie avait éprouvé un goût très vif pour lui ; mais comme c’était une fille plus positive qu’amoureuse, on ne doit pas se montrer surpris qu’elle cherchât bientôt à se débarrasser