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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

permettaient pas de vivre. Comme à Rouen, beaucoup de fleurs, mais pas d’argent. Il lui en aurait fallu pourtant, non pas pour elle, mais pour son père, pour son oncle, pour son frère Félix : « Je pleure pour mon frère depuis l’âge de dix ans », avoua-t-elle un jour. Pour la première fois, elle songea au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, qui, lui, rémunérait sérieusement ses pensionnaires. Elle en obtint la promesse de 4.800 francs par an : un éblouissement. Comment eût-elle tergiversé ? Elle dit adieu à Grétry, à Paris, à la gloire. À l’automne de 1807, elle reprenait son répertoire en Belgique, d’ailleurs alors territoire français.

La vie théâtrale — comme toute vie artistique — a pour caractéristique essentielle l’instabilité. Notre forte seconde ingénuité n’eut pas le temps de jouir beaucoup de sa nouvelle situation. Pour s’être montré trop généreux peut-être, son directeur se heurta à de terribles embarras, fut obligé, dès le mois d’avril 1808, de déposer son bilan… Marceline et ses camarades, traînant l’aile et tirant le pied, s’échappèrent du navire qui faisait eau. Elle retomba sur le pavé de Paris, six mois après l’avoir quitté !

Elle y retombait sans engagement, et presque sans ressources. Recommençait pour elle, à peine majeure, la dure bataille pour le pain. Qui va l’aider, cette fois ? Ce ne sera plus Grétry. Le docteur Alibert, médecin de l’Opéra-Comique, rimeur aimable, le remplaça autant