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UNE JEUNE PREMIÈRE

Après Mlle Mars, il n’y a point à Paris d’ingénuité qu’elle n’égale ou ne surpasse ; elle n’est pas niaise comme il arrive quelquefois aux innocentes des autres théâtres, elle n’est que franche et naïve ; l’accent juste, vrai, une excellente tenue, beaucoup d’aisance, de simplicité, de naturel…

À ce moment, elle se crut certainement partie pour la gloire. Jamais avancement plus rapide, puisque, si l’on ne considère pas le vagabondage misérable qui avait précédé, elle venait en trois ans, sans études préalables, de conquérir sa place sur une des scènes les plus en vue de Paris. Et cette place, elle la gardait. On l’applaudissait dans la Jeune Prude et dans Camille, de Dalayrac ; dans Le Calife de Bagdad, de Boïeldieu ; au mois de mars suivant, elle créait Julie ou le Pot de fleurs, de Fay et Spontini, sur le livret d’un certain M. Jars, député du Rhône. Ce Jars, d’ailleurs, ne l’oublia jamais.

Grétry continuait à l’admirer ; il l’appelait « la petite reine détrônée ». Il n’eut de cesse qu’il lui fît reprendre une de ses plus délicieuses œuvres, ce Tableau parlant, qu’il avait écrit, trente-cinq ans en çà, sur une comédie en un acte d’Anseaume.

Le Tableau parlant, à la fois bluette et farce, unit la pantomime italienne à la traditionnelle intrigue française. Cassandre, tuteur et amoureux d’Isabelle, se décide à l’épouser, car Léandre, son neveu, qui lui faisait la cour, est parti pour Cayenne. Mais alors survient Pierrot,