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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

doute sur son succès. Elle réussit pleinement à Lille, si bien que l’année suivante, elle fut acceptée au Théâtre des Arts de Rouen, déjà l’un des plus notoires de province.



On ne se fera jamais une idée assez sombre de ce qu’était la vie de pauvres petites comédiennes de cette espèce, du travail épuisant qu’elles avaient à fournir, de l’esclavage honteux qu’elles subissaient. Songeons que Mlle Desbordes (Marceline-Félicité-Josèphe), alors âgée de dix-sept ans, se voyait forcée de se juger très heureuse d’avoir été engagée comme « jeune première, forte seconde ingénuité, seconde et troisième amoureuse d’opéra, et danseuse ». Quel métier ! Il s’est longtemps prolongé dans les provinces : nous avons connu d’excellents artistes, obligés d’interpréter coup sur coup le drame, la comédie, le vaudeville et de chanter, la même semaine, dans les chœurs d’opérette. Le tout pour des salaires dérisoires. La fiancée de Valmore avait connu cela. On lui jetait des bouquets, et elle mourait de faim.

Sa seule consolation venait de la présence de ses sœurs Eugénie et Cécile, accourues pour la rejoindre, et qui soutenaient son courage. Plus heureuses, ou plus modestes, elles ne quitteraient pas la Normandie : elles n’allaient