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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

À Lille, où ses débuts n’étaient pas oubliés, on donna une représentation exceptionnelle, « au bénéfice d’une jeune fille échappée aux massacres de la Guadeloupe », et on l’engagea pour la saison.

Elle fut tout de suite très remarquée dans le répertoire médiocre et baroque de ce temps-là. Sa jeunesse meurtrie, sa sensibilité à fleur de peau, ses larmes au bord des paupières faisaient merveille dans Le Philinte de Molière, de Fabre d’Eglantine, donnant un semblant de vie au personnage d’Éliante, impudemment extrait du Misanthrope.

Comment ne pas admirer la sincérité de son accent, quand elle s’écriait :

En est-on plus heureux ? Quelle triste prudence
De vouloir s’isoler, de se lier les mains,
Et d’étouffer son cœur au milieu des humains !

Au premier abord, on devine moins bien la raison de son succès dans Le Roman d’une heure ou la folle gageure, comédie en prose, d’Hoffmann, qu’elle joua souvent. Petit acte invraisemblable, qui avait été sifflé à Paris, comme « contraire à la décence ». C’est peut-être exagéré. Qu’on en juge :

Une jeune veuve provinciale est venue pour soutenir un procès dans la capitale. Elle s’y ennuie beaucoup. Tandis qu’elle se met à la fenêtre, un livre à la main, pour se montrer à un jeune homme d’en face, le volume tombe