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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

videntielle, car elle s’est enfuie devant ses esclaves révoltés. Rien n’évoquera le désespoir des voyageuses. Catherine en meurt tout autant au moins que de l’épidémie. Sa fille, seule maintenant, allait payer le prix de sa folie.

Abandonnée de l’autre côté de la terre, elle rencontrerait toutefois quelques bonnes âmes qui la recueilleraient, la réconforteraient et se mettraient en devoir de rapatrier cet oiseau tombé du nid. On trouva pour cela un bâtiment marchand, qui devait emporter à Brest des morues sèches et de l’huile de baleine. Marceline y vivrait de la vie des matelots : bœuf salé et biscuit tellement dur qu’il faudrait le rompre à coups de marteau.

Cependant, elle n’hésita pas. Malgré les funestes pressentiments du gouverneur et de quelques braves gens qui s’intéressaient à sa misère, elle voulut fuir cette île maudite où sa mère, attirée par son mauvais sort, n’était venue que pour mourir. Elle s’embarqua en pleine nuit, dans un état d’épouvante extrême. Elle avait peur de tout, du bruit des feuilles, de la brise, du clapotis des vagues, mais disait-elle, « les cris des oiseaux m’excitaient à partir ». Les matelots l’enlevèrent dans leurs bras. Elle mit ses mains sur ses yeux, s’abandonna. On la porta dans le navire. Une bonne personne, Mme Guédon, l’accompagna jusqu’à Basse-Terre, où l’on devait mouiller avant de rentrer en France.