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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

qui n’impressionnait plus personne. Des amis s’entremirent généreusement auprès des diverses administrations auxquelles ils pouvaient avoir accès, et enfin, après quatre ans de la plus pénible oisiveté, Valmore fut casé.

Le 1er septembre 1852, il débutait, à soixante ans ! à la Bibliothèque nationale, comme attaché à la rédaction du catalogue. Travail méticuleux et fastidieux, qui ne correspondait en rien à ses aptitudes, mais qui lui procurerait du pain. Très peu, d’ailleurs. Il toucherait tout juste 1 300 francs par an.

L’homme se soumit. Il était vaincu. Chaque jour, de ce pas égal et ferme avec lequel, pendant près d’un demi-siècle, il avait arpenté les planches, il se rendait de la rue de Rivoli à la rue de Richelieu. Il allait à la Bibliothèque, ponctuellement, comme il était allé au théâtre. Il s’installait, sans paroles inutiles, enfilait des manches de lustrine et rédigeait des fiches. Seulement, parfois, lui revenaient en mémoire ces vers qu’il avait déclamés jadis :

Il est sur ce rivage une race flétrie,
Une race étrangère au sein de sa patrie ;
Sans abri protecteur, sans temple hospitalier,
Abominable, impie, horrible au peuple entier,
Les Parias ; le jour à regret les éclaire,
La terre sur son sein les porte avec colère
Et Dieu les retrancha du nombre des humains
Quand l’univers créé s’échappa de ses mains[1]

  1. Casimir Delavigne, Le Paria, acte premier, scène première.