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FIN D’UN VIEUX FONCTIONNAIRE

Valmore rendait à la poésie, culte de toute sa vie, si mal récompensé. Car, on le pense. bien, il n’était plus acteur. Il ne l’était plus, en réalité, depuis de longues années, depuis cet hiver de 1840 où il avait quitté les bords du Rhône. Là, pour la dernière fois, il avait réellement abordé la scène de manière à s’en souvenir sans trop d’amertume. À partir de cette date, l’incompréhension du public l’avait ramené de l’autre côté du décor, dans les coulisses poussiéreuses, les magasins à costumes, les loges d’administration, les paperasses, tout ce qu’il détestait le plus au monde.

Un beau jour, même cette collaboration effacée et sacrifiée à l’ouvre artistique vint à lui manquer. Le théâtre, qu’il avait tant aimé, le rejeta tout à fait. Et comme il fallait vivre, honnêtement, et non point aux crochets de sa femme et de son fils, il chercha un emploi, n’importe lequel. Ah ! la misère des tragédiens déclinants, surtout quand ils ne sont pas montés bien haut ! Triste sujet de méditation à cette époque, où M. Poirier voulait bien encourager les arts, mais non pas les artistes, et où le public s’imaginait déjà que la misère des acteurs est cent fois méritée et sans aucun soupçon d’intérêt. La cigale a toujours tort.

Heureusement, Marceline n’avait pas brisé ses hautes relations littéraires. On la plaignait secrètement d’avoir lié sa vie à celle de ce pauvre diable sans talent qui secouait sur un monde bourgeois une crinière jadis léonine