Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

toute sorte n’avaient pu en avoir raison. Pour en triompher, il fallut, non point une crise de ces maladies auxquelles ses filles avaient succombé, mais l’attaque sournoise et implacable d’un cancer. Rongée intérieurement, envahie peu à peu par des douleurs atroces, elle languit pendant des années, refusant de se laisser abattre, voulant mener jusqu’au bout son labeur nécessaire. Toute sa vie, ainsi, n’avait-elle pas porté une plaie intérieure, cachée héroïquement, et que, seules, les irrésistibles effusions de son génie lyrique avaient révélée ? Elle était accoutumée à vivre douloureusement. Cependant, longtemps avant l’heure de la délivrance, elle dut s’aliter, définitivement terrassée, pauvre crucifiée qui achevait sa courbe comme elle l’avait commencée.

On devine ce que furent ces derniers temps. Hippolyte, pris par ses heures de présence au ministère, pouvait rendre à la malade bien peu de services. Valmore ne savait que pleurer, errant comme un fou d’une chambre dans l’autre. Les tragédiens font de pitoyables infirmiers. Ils traversent la vie sans en comprendre le sens humble et quotidien. Quand le malheur les atteint, ils cultivent leur désespoir. Prosper s’efforçait seulement de dérober à sa malheureuse femme la gêne qui les étreignait, et les peines morales qui auraient pu encore augmenter l’horreur de son état. C’est ainsi qu’il lui cacha soigneusement la mort lamen-