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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

déplorer la mort de l’insupportable Félix, que l’on avait traîné longtemps, avec de si pénibles difficultés. En 1852, il fallut se rendre compte que la pauvre Ondine, comme sa cadette, était marquée d’un mal qui ne pardonne pas.

C’est bien là le moment le plus douloureux de cette longue lutte contre la destinée. Que de soins, que de soucis, leur avait coûté cette petite Hyacinthe, dite Line, conçue à Paris, née à Lyon, laissée en nourrice au hasard des campagnes théâtrales de ses parents, puis attachée à leur existence dramatique et bousculée ! Plus tard, chargée d’un lourd secret, elle avait traversé la vie mûrissante de Latouche, éveillé l’admiration, peut-être la convoitise, de Sainte-Beuve. Beaucoup plus cultivée et plus intelligente que sa mère, elle avait écrit des vers que chacun admirait. Vint un moment où la cruauté du siècle se chargea de lui démontrer, comme à son frère, que tant de beaux rêves ne mènent à rien, n’empêchent pas de mourir d’inanition. Sa jeunesse lyrique aboutissait à un demi-professorat. Elle s’y résigna avec assez de facilité, car il semble bien qu’elle était profondément différente de sa famille, où sa mère ne comprit jamais son caractère un peu pincé, où sa jeune sœur s’était mise à la haïr furieusement. Un mariage inespéré venait de la tirer de son ombre et de sa solitude : comme pour beaucoup d’autres êtres, atteints sans qu’on s’en doute,