Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
DERNIERS EFFORTS

Et ceci, d’une cruauté tellement sincère :

… Il me semble que le petit martyr qui s’accrochait à notre barque sans que nous puissions le secourir, et qui entravait tout, a coulé au fond et nous laisse les mains libres pour ramer. Il est affreux de le dire, mais pour elle, pour maman qui ne menait plus une vie normale, pour nous deux qui avons besoin d’être placés, c’est mieux ainsi.

N’allons pas à Bruxelles. Notre malheur même intéresse tous nos amis et ils viennent de le prouver… Dans ce bouleversement du Théâtre-Français, Mlle Mars et d’autres vont te pousser. La vie sera maintenant plus facile. C’est énorme ce que nous avons dépensé pour cette maladie, pour sa fin[1].

M. Valmore, qui n’avait pas connu les affres de ces derniers jours, l’impression d’affreux soulagement qui étreignait les siens, fut littéralement désespéré. Il n’avait gardé de sa fille que les souvenirs charmants de son enfance, de son espièglerie et de sa grâce. Il se reprochait de n’avoir pu lui faire une vie plus heureuse, plus facile, plus confortable, de l’avoir entraînée dans sa misère.

Tout l’écrasait à la fois. Il perdait son enfant, et ce décès obérait encore leur budget déjà si lourd. De quel côté se retourner ? Il ne goûtait même plus les rares succès de théâtre,

  1. Lettre du 10 décembre 1846.