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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

rieuse que la sienne ? Pourtant, à force de charme, de douceur sincère, mon oncle, qu’il aimait tout à fait, mon oncle, d’un caractère droit, pittoresque et religieux, le jugeait simple, candide, affectueux. Il l’a été ! Il l’a été ! Et heureux et soulagé aussi de pouvoir l’être par cette affection tout unie[1]

M. Valmore ne lut certainement jamais cette lettre. Elle l’eût profondément surpris, et il n’y aurait compris goutte. Hé quoi ! C’était ainsi que, maintenant, sa femme jugeait l’ami dont elle l’avait obligé à se séparer, l’homme qu’elle lui avait montré méchant, aigri, sournois, débauché ! Comme elle avait changé dans ses appréciations, depuis douze ans ! La mort était passée par là, accomplissant son œuvre d’embellissement et d’oubli. Marceline ne se souvenait plus, elle ne voulait plus se souvenir des mauvaises heures d’abandon ou de trahison… Les jours les plus anciens remontaient du fond de sa mémoire, ces jours qui marquèrent sa vie d’une empreinte ineffaçable. Elle a beau ne pas vouloir se mettre en scène, écrire « nous » et non pas « moi », évoquer le souvenir de l’oncle Constant qui n’en peut mais, on sent bien que son cœur est plein. Il palpite entre les lignes. Et c’est animée des mêmes sentiments, toujours irrésistibles, qu’elle rimait ces vers, ces vers de

  1. Lettre du 18 mars 1851.