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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE


Je suis seule partout, hors de ce cher asile
Où, sans effroi, je passe et mes nuits et mes jours ;
Car pour me protéger contre tout être hostile
Quelque chose de lui sur moi plane toujours.

En vain, au sombre appel de la cloche vibrante,
Ils me l’ont pris, gisant sous le plomb du cercueil ;
En vain, environné d’une foule pleurante,
De son doux ermitage il a franchi le seuil.

Il n’est pas tout entier là-bas sous cette pierre
Où mes mains, chaque jour, posent de tristes fleurs.
Il est, il est ici, l’accent de ma prière
L’attire, et d’un soupir il répond à mes pleurs…


On sait comment se termina cette étonnante histoire. Lorsque, au bout de vingt ans, les Prussiens envahirent la France et vinrent investir Paris, le maire de Châtenay fut obligé d’employer la force pour arracher Pauline de l’ermitage du Val ; alors, elle se réfugia dans la capitale assiégée, au couvent des dames de la Retraite, où elle fut blessée par un obus qui avait crevé le plafond de sa chambre.

Réchappée de la guerre, elle s’empressa de revenir à Aulnay. Quel désastre ! La maison que Latouche lui avait léguée, avec tout ce qui lui restait, présentait l’aspect le plus affreux. Une troupe de Bavarois l’avait saccagée, dispersant les meubles, les livres, les portraits, jusqu’aux irremplaçables manuscrits d’André Chénier. La soldatesque était allée, dans sa rage destructrice, jusqu’à fouiller au pied du mélèze sacré, à exhumer le précieux