Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
ÉLOIGNEMENT D’UN VIEIL AMI

Elle lui élève un caveau funéraire, sur lequel elle fait graver les inscriptions suivantes :

H. De Latouche
patriae litteris amicitiae vitam consecravit.

Et, sur le tombeau ces vers :

Confiés à la terre ainsi qu’un grain futile,
Nous en ressortirons sous ton regard fertile,
Mon Dieu ! Refleuris-nous par tes dons inconnus,
À des cœurs sans verdure, à des fronts déjà nus,
Viens imposer demain ta féconde puissance !
La mort, c’est le printemps, c’est notre renaissance.

Plus tard, elle ajouta à la noble sépulture l’admirable médaillon que David d’Angers. avait fait naguère de ce borgne adoré.

Tous les jours, été comme hiver, cette courageuse amante de cinquante-deux ans allait à Châtenay ; elle passait la plus grande partie de son temps au cimetière ; on disait même qu’elle y restait la nuit. Le reste de sa vie, elle le consacrait à son ami. En 1852, elle publiait ses derniers poèmes, intitulés : Encore adieu. Quand, en 1854, elle donna à l’impression son propre recueil, Les Bruyères, c’était en hommage à Latouche.

Ah ! ne me parlez pas de fuir cette retraite ;
Ah ! ne me dites plus que ces lieux sont déserts ;
Ici, tout me le rend, ici son vœu m’arrête :
C’est encor mon Eden, c’est tout mon univers.