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ÉLOIGNEMENT D’UN VIEIL AMI

Aussi tourna-t-elle la difficulté avec une rouerie innocente. Aux yeux de ses lointains et naïfs compatriotes, Latouche, républicain sceptique et anticlérical, se changea en quelque vénérable chanoine achevant ses jours en odeur de sainteté.

Mon père, écrivait-elle à une de ses parentes, m’a recommandée en mourant à l’abbé de La Touche, qui prend soin de moi comme si j’étais sa fille, et il me conserve la même amitié qu’il avait pour mon père…

Fallait-il qu’on eût oublié dans ces paisibles châteaux du Rouergue les lettres du Sténographe parisien !

D’ailleurs, l’innocent subterfuge de Pauline se rapprochait bien vite de la réalité. Qu’était-elle, sinon une sorte de sœur de charité laïque auprès d’un malade dont l’état ne cessait d’empirer ? Avec l’âge et surtout les infirmités, Latouche s’était replié sur lui-même ; il n’apparaissait plus que comme un petit vieillard, maussade, aigri, envieux, quinteux, avare, qui vivait de fruits et de lait, et ne conservait quelque générosité que pour l’installation et l’ameublement. Sa misère physique augmentait l’irritabilité de ce caractère dont Marceline avait déjà tant souffert. Il grognait sans discontinuer. Parfois, insatisfait encore de sa violence, il s’oubliait jusqu’à frapper la pauvre femme, petite, mince, vêtue comme une