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LE MARI IRRITÉ

Tiens, Valmore, tu me fais bondir hors de moi-même en me supposant une si petite et si vaine et si basse créature ! Me supposer une idée ambitieuse, un regret d’avarice ou d’envie pour les plaisirs du monde, c’est me déchirer le cœur qui n’est rempli que de toi et du désir de te rendre heureux…

… Je te suivrais avec joie au fond d’une prison ou d’une nation étrangère, tu le sais, et ces pensers, pour mon malheur, ne t’assaillent jamais qu’après la lecture de mauvais barbouillages, dont j’ai honte, en les comparant aux belles choses que tu m’as donné le goût de lire. Après quoi, je te dirai simplement, vraiment et devant Dieu, qu’il n’existe pas un homme sur terre auquel je voulusse, appartenir par le lien qui nous unit. Tous leurs caractères ne m’inspireraient que de l’effroi. Ne te l’ai-je pas assez dit pour t’en convaincre ? Mais, hélas ! c’est donc vrai : « On ne voit pas les cœurs ! »

Rien. Il ne saurait rien. Il ne savait pas lire l’aveu qui tremblait jusque dans cette lettre de dénégation. Et pourtant, il ne se résignait pas. Époux vieilli d’une femme laide et ruinée, il s’acharnait à la torturer, à lui demander le motif de ces sanglots d’amour que chacun répétait et qui faisaient sa gloire, à elle, son angoisse, à lui. Au milieu de leur vie étroite et pauvre, empoisonnée de dettes et de misère, d’inquiétudes et de démarches,