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LE MARI IRRITÉ

elle regimbait au premier moment, elle ouvrirait le coffret de son cœur. Il saurait enfin le nom, le nom soupçonné, jamais avoué, de l’amant mystérieux qui avait gonflé les ailes de tant d’envolées lyriques, si ce n’est peut-être de tous ceux dont le souvenir lointain faisait encore frissonner sa pauvre femme.

Il ne la connaissait pas. Elle répondit, sans embarras apparent, avec une délicieuse indulgence, qui parait tout de suite le coup qu’on avait voulu lui porter, qui lui permettait de s’effacer avec grâce et de fuir tout débat :

Oh ! que ta dernière lettre m’a fait mal ! Pourquoi, Prosper, es-tu triste à ce point du passé ? Pourquoi te navrer de ce qui n’est plus et des peines confuses dont tu m’as toujours épargné la connaissance ?

Par quel miracle aurais-tu échappé aux entraînements que la chaleur de l’âge et les facilités de notre profession plaçaient devant toi ? Tu es assurément le plus honnête homme que je connaisse au monde, et je veux qu’une fois pour toutes tu apprécies à leur juste valeur des incidents que tu n’as pas cherchés et qui n’ont rien rompu de l’inviolabilité de nos liens. Laisse donc aller ces jours frivoles. Ils étaient inévitables avec les idées reçues du monde. Ne soyons pas plus austères que Dieu même et ses bons prêtres qui relèvent et embrassent leurs enfants de retour… Je n’en veux à personne de t’avoir trouvé aimable,